Pouilles, conception d’Amedeo Fago

Photo © Pascal Victor

Photo © Pascal Victor

Tarente, dans les Pouilles, ce port de la mer Ionienne situé à l’extrême sud de l’Italie, entre Méditerranée et Adriatique, fait partie de la mythologie familiale du jeune Amedeo qui l’a fréquenté depuis l’âge de treize ans, quand son père pour la première fois l’y a amené. Il se souvient des voitures à cheval et du bruit des sabots sur les pavés mais avec l’industrialisation massive, peine aujourd’hui à le reconnaître. Son père lui avait fait aimer la ville, depuis sa mort il n’y est plus revenu.

Le spectacle est un récit de vie qu’Amedeo Fago écrit sur scène, assis à son bureau dans un coin du plateau, côté cour. L’homme est silencieux et interroge sa généalogie, essayant de mettre des noms sur des visages qu’il n’a jamais connus. Tarente 2011 le remplit de nostalgie, face à la maison le long du front de mer, aux cris des mouettes, au caveau familial dernière demeure du père, laissé à l’abandon depuis vingt-cinq ans.

Les photos projetées sur un écran en fond de scène remontent le temps et nous font entrer dans son panthéon. Avec lui nous feuilletons l’album des ancêtres, dans un compte à rebours partant du début XIXème quand l’Italie était royaume, gouverné par la dynastie de la Maison de Savoie et jusqu’à Mussolini, le fasciste. L’Histoire s’inscrit en filigrane tout en restant à distance, c’est de famille dont il s’agit : « C’était le cinquième enfant de mon arrière grand-père Nicola et il était né en 1841. Les trois lettres que j’avais trouvées se trouvaient dans un petit cartable de cuir écrites sur papier à entête de la Chambre des Députés du Royaume d’Italie… Angelo, le sixième des fils né en 1844, deviendra, quant à lui, mon grand-père…»

Au fil de la narration, l’auteur-acteur-metteur en scène fait une incursion de l’autre côté du plateau où se trouvent quelques mannequins qu’il habille des vêtements sortis d’une armoire ou qu’il plie avec soin, les empilant dans la malle en osier posée devant lui. Comme le linge, les souvenirs se rangent. Et la grande Histoire croise l’histoire familiale, la mémoire politique se teinte de mémoire sociale, dans ce travail d’identification et de recherche des racines. Habité des fantasmes du passé, Amedeo Fago ré-écrit son histoire et se raconte, passant par le filtre du récit enregistré, – c’est son parti pris de mise en scène – ce qui donne parfois l’impression, avec image et son, de suivre Arte à la télé.

Dans le dernier tableau et descendant du cadre, se détache le père. Nous entrons en théâtre, « espace intemporel » selon l’auteur . Un acteur, jeune, s’avance dans le rôle du père à la rencontre d’un fils aux cheveux gris, inversant les générations : « Qui es-tu ? » dit le jeune – «Je suis ton fils » dit l’ancien qui remet à son père le livre de la transmission. Un symbole du temps s’affiche, – une grande horloge – qui, pour quelques instants, devient le personnage principal de la scène.

On referme l’album de ce récit familial, archétype d’une région les Pouilles, et d’une Nation l’Italie, repassant son Histoire et sa géographie du pays, comme un lointain souvenir.

 brigitte rémer

Texte, conception et mise en scène : Amedeo Fago – Jeu : Amedeo Fago et Giulio Pampiglione – Traduction : Patrick Sommier – Costumes : Lia Francesca Morandini – Musique : Franco Piersanti – Effets spéciaux : Davide Ippolito et Luca Di Cecca – Montage vidéo : Daniele Carlevaro – Régie vidéo : Nicola Spagna et Valerio Cappelluti – Assistanat à la mise en scène Alberto Battocchi.

Présenté du 4 au 13 mars au Théâtre Gérard Philipe CDN de Saint-Denis par la MC93, dans le cadre du Festival Le Standard Idéal. (Programme détaillé : www.MC93.com – tél. : 01 41 60 72 72)

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